Le Grand jeu, de Benjamin Lupu

Quatrième de couverture

1885, Constantinople. Le tsar est tombé depuis 60 ans et une nouvelle puissance s’est levée à l’est. Le Nouvel Empire russe est devenu la première dictature industrielle. Ses dirigeables géants, ses chars et ses exosquelettes à vapeur ont assis sa domination face à l’Alliance de l’Ouest. L’Empire ottoman survit dans une fragile neutralité et sa capitale est le théâtre d’un jeu d’espions sanglant.Martina Krelinkova, aventurière et monte-en-l’air, débarque à Constantinople avec une réputation sulfureuse alors que le Primat…

Avis

Une jeune voleuse revient dans la ville de son enfance pour commettre ce qu’elle espère devenir le casse du siècle, en ces temps d’espionnage et de guerres à bas bruit entre l’ouest et la dictature impériale de l’est, dont l’essor par la technologie où le peuple n’est plus qu’un engrenage, attise toutes les peurs.

Voici un roman qui se lit très vite, servie par un style agréable et fluide. Il s’agit d’une histoire à multifocales (plus de 5), avec de très nombreux personnages, comme quoi c’est possible en édition française de SFFF.

Nous sommes donc dans une uchronie steampunk avec ses inventions, ses mécha, et une très belle collection de dirigeables et autres engins volants, chers à l’auteur. Voire, nous sommes dans une dystopie avec cette dictature russe très rude, très dure. Le récit est écrit en spirales, toutes les histoires se rejoignant petit à petit. L’humour s’invite parfois de façon agréable, mais c’est surtout un récit d’actions, d’infiltrations, de course-poursuites, d’investigations.

La ville est elle-même un personnage, par les enjeux qu’elle porte et par la diversité de son territoire. L’auteur nous propose aussi tout un panel de nationalités avec leurs petites particularités pour mieux présenter le côté cosmopolite de Constantinople à l’époque. Ce que j’ai trouvé très intéressant, c’est que les personnages évoluent les uns à côtés des autres. Ce sont plus des partenaires, des gens s’activant pour un même but que de vrais amis soudés. Ils sont très indépendants les uns des autres. C’est une qualité, mais c’est aussi curieux, car on n’est pas trop habitués à cela. Mon personnage préféré restant la mystérieuse sœur de l’héroïne. Et j’ai une pensée chaleureuse pour ce pauvre ambassadeur parmi les personnages secondaires, il est très malmené, alors que c’est un brave type dans le fond.

L’intrigue est plus complexe qu’une simple aventure, mais totalement compréhensible si on a deux neurones. Cela nous change de cet acharnement à vouloir nous faire croire qu’on doit tirer les scénarios vers le bas, pour être compréhensible de tous, car la science-fantasy est un divertissement. Certes, il y a quelques facilités scénaristiques (pourquoi l’homonculus accepte le pacte, qu’a-t-il à y gagner personnellement ?), mais le scénario est de qualité, avec son lot de rebondissements et d’obstacles.

Franchement, ce récit one-shot est un bonheur, déjà parce qu’il est bien écrit, parce qu’il a un fort dynamisme, parce qu’il change des récits réchauffés qu’on nous sert depuis des années, parce qu’il montre aux éditeurs que les lecteurs aiment ces histoires à multiples personnages et aux scénarios plein de ressorts et de surprises. Et puis, parce qu’il offre un voyage qui fait passer un très bon moment.