Cinq pas sous terre, de Vanessa Terral
Edition : Petit Caveau, en broché à couverture épaisse, et numérique
18,50 € (version papier)
Jabirah se réveille entre les mains de Muriel, une enjôleuse d’esprits. Cette dernière avait besoin d’un familier puissant pour résoudre son compte à un vieil ennemi ; elle a donc conclu un pacte avec un ancien vampire afin d’obtenir l’arme dont elle avait besoin : une jeune toulousaine issue des quartiers et désormais transformée en mâchonneuse de suaire.
Jetée au milieu d’événements et de combats qu’elle était loin de soupçonner dans la Ville Rose, Jabirah tente de faire de son mieux entre ses nouveaux pouvoirs, son statut de vampire incomplète, son attirance pour sa froide patronne, et la mort de sa famille la nuit où elle est née à nouveau. Inutile de dire qu’elle va s’en prendre grave dans les dents… enfin, dans les crocs.
Le roman se compose d’une histoire longue et d’un bonus sous le type d’une novella se déroulant deux ans plus tard.
L’implantation du récit à Toulouse permet même à une touriste comme moi de se rappeler de places, de rues et de monuments qui ravivent nos souvenirs et contribue à un sentiment de voyage. Le récit nous permet également d’apprendre les nombreuses légendes de la ville dont le riche passé est exploité ici.
Le style de l’auteure est extrêmement fluide. Ça se lit sans difficulté. On compatit avec les galères de Jabirah, d’autant que Muriel, obsédée par sa vengeance, n’est pas facile à vivre… Cela fait du bien d’avoir des personnages principaux qui ont autant d’ombre que de lumière ! En contre partie, le côté populaire et décomplexé de Jabirah apporte de la proximité, du réalisme et de l’humour au récit.
L’univers des enjôleurs d’esprits (esprits végétaux, bestiaux, fantastiques ou ectoplasmiques) offre de nombreux combats. Seule Jabirah étant douée de réflexion, l’ennemi spirituel ou bestial répond plutôt à des instincts primitifs, ce qui limite l’implication émotionnelle qu’on pourrait placé dans l’adversité. Les humains relèvent le flambeau et rendent l’intrigue complexe : chacun a avec ses convictions et agit avec l’assurance de faire ce qu’il faut pour Toulouse. Personne n’est vraiment gentil ou mauvais dans ce récit. Le passage avec le départ d’un vieux vampire (chapitre que j’ai beaucoup apprécié) résume l’état d’esprit des personnages : pour obtenir ce qu’on veut, il faut parfois fermer les yeux et acter la compromission de pactes que dans d’autres circonstances on n’aurait jamais acceptés.
Les mâchonneurs de suaire sont également peu connus, ce qui apporte une autre vision du mythe du vampire. J’émettrai juste un petit bémol sur quelques raccourcis scénaristiques, dont le parcours « sous terre » de Jabirah pour acquérir ses pouvoirs. Passage très attendu du récit, je m’attendais à découvrir plus de difficultés, d’affrontements, un véritable dépassement de soi, voire d’un côté spirituel, symbolique ou initiatique. L’étape est plutôt traitée rapidement, mais il est vrai que l’action n’aurait pu supporter des pages et des pages de quête de soi même, alors que se joue en parallèle (et dans l’urgence) le destin de Toulouse et des autres protagonistes. Après quelques recherches, j’ai appris que la distribution initiale du début de ce roman sous la forme de courts épisodes a joué sur la longueur des premiers chapitres. Si d’un côté, ce choix de chapitre bref soutient le rythme rapide du récit, de l’autre, on découvre en « off » (en narration pure) certains passages du récit.
Le bonus m’a beaucoup plu, même s’il est plus conventionnel dans son traitement de la faction des vampires de la ville. Cependant, les personnages sont devenus plus matures, tout en gardant leur ambiguïté et leur peur. Le côté romance de la première partie est basé sur un jeu du « tu me plais/eh bien pas moi ! ». Cela me parlait davantage que dans le bonus, question de goût. La mission est sinon bien rythmée, les personnages secondaires intéressants, et Toulouse toujours aussi fascinante avec ses légendes.
Au total, on retrouve dans « Cinq pas sous Terre » les composantes d’un roman soigné : style fluide, scénario qui se dévoile peu à peu, personnages à la forte personnalité, ambiance et concept originaux, actions et aventure, romance, vengeance et affrontements. Comme souvent dans les récits intéressants, on aurait aimé plus de détails, vivre davantage d’événements au côté des personnages, mais bon, avec le syndrôme « on en veut toujours plus », on n’obtiendrait que des pavés et des écrivains avec des crampes des deux poignets…
Ce roman en un tome unique conviendra à tous les lecteurs qui veulent sortir des chemins battus des habituels vampires et sont à la recherche d’un récit mêlant dualité des sentiments et combats hors norme au milieu des esprits et des légendes toulousaines.