Quatrième de couverture

Espagne, Andalousie, XVIe siècle. La Reconquista est terminée. Charles Quint règne sur une Espagne réunifiée et catholique.
Sinan est un enfant qui vit avec sa sœur jumelle, Rufaida à Grenade. Musulmans convertis par nécessité à la religion catholique, sa famille les envoie à Montpellier pour échapper à une Inquisition toujours plus féroce. Là-bas ils tomberont dans une France embrasée par les guerres de religion…
Mélangeant récit historique et fantasy, Jean-Laurent Del Socorro nous offre une nouvelle fois un grand roman, dans le sillage de Royaume de Vent et de colères avec l’un de ses personnages dans le rôle clef.
Avis
J’avais beaucoup aimé Bouddicca, du coup j’ai toujours été très attiré par les œuvres de cet auteur, et par ses choix de titre toujours très intrigants. Eh bien, je ne suis pas le lecteur cible de ce récit-là…
Ici, il y a beaucoup moins de poésie. Et puis, si vous êtes en période de blues, ne vous attendez pas à profiter du soleil de l’Andalousie avec cette œuvre, ou à quelques éclats de rire.
Nous sommes à l’époque des guerres de religions dans ce qui sera un jour l’Europe. Pour l’heure, l’Andalousie jadis musulman en majorité est tombée sous l’occupation du Roi d’Espagne. Et en France, comme dans la région de Montpellier, les calvinistes allemands et autres ne s’entendent pas forcément mieux avec les catholiques de la capitale et des alentours.
Le récit est en grande partie à la première personne, c’est le récit du héros qui nous parle de sa naissance, de son enfance bousculée entre deux religions dont une à cacher, du poids du passé de son peuple sur ses épaules, du poids d’un père dominateur, cinglant et très violent, de pertes tragiques d’êtres aimées, de la quête du pouvoir, de l’altérité qui s’installe entre un frère et une sœur si proche au début.
Comme pour tout ce que j’ai lu chez Del Soccorro, les personnages féminins sont des rôles puissants, des volontés d’acier, un désir de liberté et de vouloir être considérées pour leur capacité.
L’alchimie a sa place dans le récit avec la recherche d’une pierre (non pas la Philosophale) qui permet de réaliser de la magie, quitte à subir l’attraction de ce pouvoir et à s’en trouver consommer. Il faut du courage pour savoir refuser d’utiliser une source de puissance. L’un des thèmes principaux est ainsi le vouloir.
Basé sur des chapitres très courts, ce récit est un page-turner, même si l’ambiance est sombre et promet à chaque page de devenir encore plus tragique.
Il n’en reste pas moins que c’est une histoire qui ne me correspondait pas. En ce moment, j’ai besoin d’un peu d’humour, pas de grand-chose, mais juste de quoi respirer entre deux événements graves, et là le héros n’est pas dans cet état d’esprit.
Ensuite, j’ai été en dissonance avec l’univers : c’est une uchronie avec de la vraie magie et quelques divergences culturelles sans doute très assumée, mais comme tout le reste semble si étroitement « réel/historique », je ne suis pas rentrée dans l’histoire comme j’aurai pu avec une œuvre classique de fantasy.
Pour les histoires de religion, autant c’est paradoxal car j’en écrit, autant je n’aime pas en lire. Peut-être parce que je sais comme ces époques sont des plaies… Ma grand-mère, elle m’en parlait des jardins de Grenade où aurait vécu nos ancêtres, alors que sincèrement ils avaient dû fuir des siècles et des siècles plutôt… Mais pour un récit où les personnages sont prêts à se battre pour leur religion, je les ai trouvés… peu religieux dans leurs actes et leurs paroles. Leur religion tourne autour du secret de celle-ci et de rites. Or, pour avoir l’occasion de parler souvent à des gens très religieux (dans toutes les grandes religions du globe), je ne retrouve pas leur vision du monde, leur façon de parler, cet aspect de la religion qui imprègne tout leur être et toute leur acte quotidien. Et cela m’a beaucoup perturbé. Tout comme le fait que les personnages étudient la médecine à Montpellier sans que cela n’est véritablement un impact sur leur personnalité ou sur leur quotidien. Bref, je me suis sentie « à côté du récit », avec trop de détails concrets & historiques et trop d’anomalies comportementales par rapport à mes attentes/mes croyances.
Je pense aussi que la fin du récit, en ajoutant un point de vue supplémentaire est un clin d’œil à un autre roman de l’auteur. Et là, je me suis sentie perdue. Car je voyais que j’aurai dû avoir des références, connaître certains personnages, leurs relations entre eux. Et si ce n’est pas le cas, et que ce livre forme vraiment un tout distinguable de toute autre intrigue, alors je me sens encore plus décalée dans mes repères.
Bref, ce récit a des qualités (il évoque une période compliquée de l’histoire, il est bien écrit, il milite pour le féminisme et pour la liberté d’aimer), mais il contient des éléments qui sont peut-être des détails mais qui m’ont totalement sortie de ma lecture. Je crois tout simplement que cette lecture n’est pas pour moi, car je suis venue avec ma propre vision du monde de cette époque et des religions et surtout parce que j’avais besoin de sourire un peu plus.