Que passe l’hiver, David Bry

Quatrième de couverture

Stig vient d’avoir vingt ans, l’âge de porter une épée et de se rendre enfin sur le Wegg, l’étrange montagne où réside son souverain, le roi de la Clairière. Mais son premier solstice d’hiver ne se déroule pas comme il l’avait imaginé. À peine le jeune seigneur est-il arrivé que la mort répond aux augures néfastes et que les fils enchevêtrés du destin tissent un avenir que personne, ni homme ni dieu, semble pouvoir prédire. Menacé sans qu’il en comprenne la raison, Stig aura fort à faire pour découvrir ce qui se trame dans l’ombre des festivités, protéger ceux qu’il aime… et même survivre. Y parviendra-t-il ? À la croisée de l’ode initiatique et du huis-clos, ”Que passe l’hiver” raconte le destin d’un jeune homme au pied bot et d’un roi aux longs bois de cerf, pris dans le maelström d’un monde qui se meurt, peut-être…

Avis

Il s’agit d’une tragédie. La Clairière est isolée du reste du monde, voire d’autres mondes via le Voile. Le dieu originel s’est retiré dans les enfers, après avoir engendré avec la terre une lignée qui donna les 4 peuples : ceux qui se métamorphosent en animaux, ceux qui marchent dans l’ombre, ceux qui peuvent rêver la nuit des innombrables fils du destin, ceux qui peuvent invoquer les créatures de l’autre côté du voile. Pour les réunir et leur rappeler leur origine, un demi-dieu, fils de magicienne et du Dieu : le Roi de l’Hiver. Il veille sur la Clairière et sur le respect des serments qui lui sont prononcés chaque année lors du solstice d’hiver par les chefs des 4 maisons.

Cette année est une première pour notre héros, il peut se transformer en corbeau, ne manque pas de courage, de poésie, d’abnégation d’autant qu’il a un pied bot, et un grand frère adoré qui lui a beaucoup parlé des fêtes du solstice. Son père l’a toujours rudoyé du fait de son handicap, mais peu à peu, cela le touche de moins en moins. Là, bas en haut des monts l’attend le mystère du Roi de l’Hiver, peut-être de nouveaux amis, des chasses avec sa famille, des légendes narrées par des bardes, et… Rien ne se passe comme prévu.

Les thématiques sont multiples dans ce roman. Une vaste part est dédiée aux choix, au destin écrit et celui qu’un petit quelque chose pourrait modifier. Passer outre son handicap, le regard des autres, l’estime de soi y ont une grande place. L’amitié et les trahisons font pencher la balance dans un sens ou d’un autre. Chaque personnage a sa part d’ombre. Rapidement, avec la première mort suspecte, puis la seconde, on sait que l’engrenage est enclenché et que les pertes, la souffrance, le dépassement de soi, le renoncement et la capacité à dire « non » (l’honnêteté morale ?) sont primordiaux dans le scénario.

C’est bien écrit, même si j’avoue avoir eu tendance passé un moment à sauter les poèmes en épithèse : ils annoncent bien comme les titres le contenu des chapitres, mais justement je préfère découvrir l’histoire pas à pas.

Ces jeunes gens sont sympathiques, bien que la maturité vers un âge de raison et d’expérience va les secouer rudement. Certains pans du scénario sont d’autant plus prévisibles que nous avons plusieurs points de vue et donc nous suivons la montée des manigances. Mais de toute façon, en bonne tragédie, une partie du dénouement n’est pas vraiment un grand secret. Certes, la destination est importante, mais plus fondamental est le chemin pour s’y rendre.

C’est un roman sombre, un oneshot, qui se lit plutôt vite et bien, sans temps mort, avec certes quelques remarques surprenantes (quelle preuve a-t-on que quelqu’un en tue quelqu’un d’autre alors qu’on le voit juste là devant nous tuer quelqu’un sans s’en cacher ? C’est une bonne question… Avec ce raisonnement sur le fragrant délit et les témoignages, il n’y a plus aucun procès possible pour le moindre meurtrier, c’est sûr) et des passages fort en émotion.