Naître et n’être (N&N’)

Univers-Andréa-DeslacsNaître et n’être (un dieu) ?

Bienvenue dans le cycle « Terre et Ciel » ! Bienvenue sur l’archipel de Tivel ! Bienvenue Darzel.

 Jeune dieu nouvellement né, Darzel est le septième fils du dieu du tonnerre et de la guerre et de la déesse lascive de la fertilité. Quel grand destin l’attend ? Quel prodigieux règne dans les cieux belliqueux de Tivel lui tend les bras ?

C’est que…

Les devins et les oracles n’ont rien annoncé concernant ce petit dieu dernier né.

Une chance de se forger sa propre existence ? Ou la cause d’impitoyables doutes, car oh comme il est dur de naître dieu quand on a l’abominable impression de n’être un dieu…

Récit-Andréa-DeslacsExtrait

Le cerveau d’un Darzel brûlant d’ire avait ordonné à ses jambes grêles une marche furieuse sur les dallages de la serre. Son pas se transforma peu à peu en course, alors que le tourbillon de son sang irrité assourdissait ses oreilles du souffle du vent furieux. Tout au long de la montée du premier escalier en colimaçon qui vint surgir sous ses pieds nus, Darzel continua à voix haute sa sinistre méditation furibonde.

— On prie Mère pour qu’elle bonifie la terre, que les hommes jouissent et qu’enfle le ventre des femmes ! On prie mes frères et mon père, pour que la mort résonne sur les champs dévastés et ravagés, pour que crèvent mécréants et innocents, et pour que le fer brise définitivement le lien entre les corps et les âmes ! Mais moi, on ne me prie pas pour ces infamies-là ! Moi, on me prie parce que… On me prie parce que…

Darzel avait surgi sur le toit de verre de la serre où finissait l’escalier de service. Le vent le fouetta de sa fraîcheur. Il cligna des yeux. À ses pieds, l’immensité sans fin du palais divin et des paradis étala sa grandeur, sa verdure, sa pureté et sa richesse. Des rires grêles et des chants purs grimpaient jusqu’aux cieux où il se tenait au milieu des bourrasques d’un vent joyeux mais capricieux. De petites silhouettes, à peine plus grandes que des fourmis, à cette hauteur vertigineuse, papotaient entre elles, dansaient ou se baignaient au gré de leurs envies et de leurs rencontres. Heureuses, toutes ces âmes angéliques semblaient incontestablement heureuses.

D’en bas, seul était sinistrement penché sur le toit de la serre un vautour dont la silhouette sombre se détachait mal dans l’éclat aveuglant du soleil placé derrière lui.

Et en haut de sa tour de malheur, le minuscule volatile percuté par les vents ricaneurs oscillait sur le perchoir instable de la plateforme de verre où il se trouvait.

Oui, Darzel vacillait, en proie à une nouvelle révélation suffocante et intolérable.

Son esprit était ouvert aux mille vents. Ses sens divins qu’il ignorait posséder quelques secondes auparavant plongeaient à travers les strates des différents plans de l’Irréel puis du Réel.

À sa question muette et désespérée, seul le silence lui répondait d’un bout à l’autre de l’archipel.

Les lèvres tremblantes, asséchées et angoissées murmuraient la même interrogation terrifiée : « Mais qui me prie ? Qui me prie ? »

Son peuple ! Ses fidèles ! Toutes ses âmes humaines qui auraient dû vouloir entrer en écho avec lui ! Qui étaient-ils ? Où étaient-ils ?

Personne… personne…

Personne pour le supplier, pour le remercier, pour le maudire ou pour le glorifier.

Inconnu. Anonyme. Inconscient.

— Je ne suis rien pour personne.

 Le poids de cette cruelle sentence s’abattit sur son cœur et bloqua sa respiration haletante d’anxiété. Qu’était un Dieu sans un Peuple ?

Coulisse-Andréa-DeslacsCoulisses

Naître et n’être est un roman de fantasy qui jongle entre burlesque et réflexions grinçantes. À travers le regard incisif de Darzel, l’univers de Tivel se dévoile au fil de ses rencontres et révèle sa pétulance, ses aberrations, ses charmes, ses guerres et la douceur de son val.

 

Photo de Femava